Article 1 : PAS DE RETRAITE POUR LE NUMÉRIQUE

La sujétion de l’homme et de la société au numérique galope, si l’on entend par numérique l’ensemble des services et technologies comme les composants, les communications électroniques, l’informatique, l’automatisme, l’internet, les bases de données sans oublier la fascination pour l’intelligence dite artificielle.

Face aux évolutions rapides du numérique, illustrées par une loi de Moore qui dit que, tous les 18 mois, la performance des composants électroniques est multipliée par 2, la stratégie de l’État, comme les débats politiques, sont en France particulièrement inconsistants. Ce n’est évidemment pas une nouveauté puisqu’après l’échec du « Plan Calcul » de 1966, le secteur des télécommunications, pourtant au meilleur niveau mondial, a décroché à partir des année 90. 

La France est isolée en numérique civil et donc vulnérable et sous forte dépendance extérieure. Elle utilise massivement les équipements et les services nord-américains et scandinaves. Elle est laxiste et insouciante par trop d’usage d’équipements chinois. Elle manque de main d’œuvre qualifiée et recourt largement aux compétences indiennes. De surcroit, le numérique n’est pas un thème de coopération entre la France et l’Allemagne.

Or la transformation de la société par le numérique ne s’arrêtera pas. 

Le progrès scientifique, comme le progrès technique, sont de vielles affaires humaines inéluctables. Ils sont, depuis toujours, dans les gènes de l’être humain. Le progrès répond à la satisfaction de ses instincts de survie qui induisent la domination de la nature, celle des autres espèces et même celles de ses congénères. Le progrès est l’essence de son fonctionnement intellectuel comme de son organisation sociale et spatiale.

 Les approches technophiles sont des préoccupations ancestrales de l’homme. Le progrès est une sorte de tempête qui nous oblige à l’avenir. Les textes qui fondent notre civilisation, comme l’Ancien Testament, contiennent déjà des dimensions technophiles. Dès la fin du 18ème, l’époque des Lumières a marqué un envol de cette volonté de progrès, de recours aux sciences et de déconstruction des déterminismes religieux passés.

Nous sommes tous, contrairement aux animaux, des femmes et des hommes augmentés. Nos vies ont été et sont toujours hautement dépendantes d’innombrables objets personnels comme les armes en silex, les peaux de bêtes, les bijoux, les sabots, les pipeaux, les culottes, les allumettes, les lunettes, les montres, les crayons et les épluche-légumes. Nous utilisons toutes sortes d’infrastructures collectives : nos habitations, notre distribution d’eau et d’électricité, nos moyens de transport, nos réseaux numériques, nos boulangeries.

Le numérique a les invariants de tout progrès technique : l’abstraction, la mobilisation de toutes nos aptitudes sensorielles et intellectuelles, le stockage d’information, les modes de communication sans exclure le besoin d’esthétique. D’ailleurs les mathématiques, l’astronomie ou la peinture rupestre ne sont-elles pas, comme de multiples autres disciplines, l’expression incontestable de notre spécificité humaine ?

Il n’y aura plus de monde sans électricité et sans médicaments ni sans systèmes numériques.

Le numérique est un formidable outil de communication, de travail et d’accès à l’information et à la culture.

Mais une analyse fine de cette réalité s’impose car la numérisation de la société n’est pas sans création de dépendances, de risques et de régressions :

  •  Le numérique fragilise l’humanité en créant à la fois une hyper-dépendance à l’électricité et un raccourcissement des durées de vie des objets ;
  •  Le numérique est une arme de domination et d’intrusion pour de multiples finalités : le commerce et la recherche de monopole, la géostratégie et la déstabilisation de pays à asservir, la criminalité financière et le piratage individuel ou d’entreprises sans compter les manipulations de l’information et des opinions par les réseaux sociaux. La cyberdéfense et la cybersécurité sont devenues en une décennie des disciplines majeures du numérique ;
  •  Le numérique crée des exclusions par l’apparition de fractures sociales, à l’image du tiers de la population française qui n’a pas les moyens d’accéder à ses usages ;
  •  Le numérique consomme de l’énergie, des terres rares et des ressources limitées comme le spectre hertzien ;
  •  Le numérique pose un défi démocratique pour son contrôle, avec des lois et un droit qui sont structurellement plombés par des retards temporels :  l’élaboration juridique est produite a posteriori des situations nouvelles créées par les évolutions techniques. La prise en compte du risque de l’innovation, comme avec l’introduction du principe de précaution a pour la France un résultat bloquant.

De plus, le numérique recèle des invisibilités, des évolutions rapides et des complexités.

Sans décryptage, le numérique est anxiogène et il brouille les priorités. Le progrès qu’il véhicule fait peur et nourrit les conservatismes et les populismes. Les manipulateurs s’en servent pour distiller, sans recherche de solution, des prophéties angoissantes et des dogmes simplistes. Le numérique est l’outil de multiples formes d’intrusions, criminelles ou guerrières, qui servent à déstabiliser les régimes ennemis.

Le numérique demande un réel effort d’éducation et de culture pour en maîtriser les enjeux tant du secteur de l’offre que du domaine de la demande. La population qui est éloignée des milieux professionnels spécialisés a de la difficulté à s’approprier les enjeux du numérique. 

Finalement le numérique et ses complexités posent un défi de contrôle démocratique en France où existent des retards regrettables en matière de culture scientifique et économique.

Puisqu’il n’y aura pas de départ à la retraite du numérique, https://clefsdunumerique.com/ va s’attacher à : 

  •  Décrypter les mensonges des politiques dogmatiques, fermées, autoritaires et sans compréhension des comportements irrationnels de l’homme ;
  •  Prendre de la distance vis-à-vis des incantations et des soumissions au romantisme et au culte de l’innovation pure qui est nécessaire sans être suffisante ;
  •  Promouvoir un numérique choisi, régulé, de long terme et affranchi des risques de dominations économique et géopolitique.